A nos lecteurs

Le Cercle Ferdinand de Saussure a fêté en 2007 son 50ème anniversaire. Il publie chaque année un numéro de la revue; or, ce volume des Cahiers porte déjà le numéro 60 et cela, bien que la revue dans le passé n’ait pas toujours pu assurer, malgré la diligence du Cercle, sa livraison annuelle. Ce constat mérite un petit rappel historique.

Reportons-nous à Genève peu avant le deuxième Congrès International des Linguistes de 1931... La parution, grâce à Bally et Séchehaye, du CLG en 1916 aura été suivie par celle du Recueil des publications scientifiques en 1922. Ces premières formes de diffusion des idées de Ferdinand de Saussure ont permis le regroupement d’un petit nombre d’universitaires soucieux de mieux faire connaître la pensée de celui qu'ils considèrent comme le fondateur d’une linguistique nouvelle: la linguistique générale.

Les affinités de ces premiers saussuriens se concrétiseront par la création, à la rentrée universitaire de 1940, de la Société Genevoise de Linguistique, dont les statuts précisaient la raison d’être: «travailler à l’avancement de la science linguistique», un travail qui consistera notamment à publier une revue destinée à la mise en valeur de la pensée de Ferdinand de Saussure. Le petit groupe élit son premier Comité: Charles Bally, président – Albert Séchehaye, vice-président – Léopold Gautier, trésorier – Henri Frei, secrétaire. Robert Godel est l’un des membres fondateurs de la Société, laquelle comprendra, dès sa constitution, quelques linguistes étrangers. C’est Bally qui a proposé le titre de la Revue: Cahiers Ferdinand de Saussure, titre qui a reçu immédiatement l’approbation générale. La Société, fidèle à sa mission, publiera à peu près chaque année un volume des CFS. Le numéro 1 sort en 1941: c’est l’occasion de commémorer le 50e anniversaire de la création de la chaire de Saussure (1891). Quand interviendra la dissolution (le 8 décembre 1956), après la disparition de Bally, puis de Séchehaye, et la démission de Frei, 14 Cahiers auront déjà paru, dans lesquels on trouve naturellement des contributions de Bally, Sechehaye, Frei et Godel, mais aussi de linguistes étrangers de renom (Jakobson, Vendryes, Isacenko...)

Le Cercle sera fondé en 1957, date de parution du Cahier N°15. Cette livraison représente un jalon important pour les études saussuriennes. En effet, Godel y publie les notes de l'Introduction au deuxième cours de linguistique générale (1908-1909) en se fondant essentiellement sur les cahiers d’A. Riedlinger. Il s’agit là d’un document très fiable et qui aborde des problèmes de fond (la conception de l’étude diachronique, en particulier). On a tout lieu de penser que des sémiologues aussi différents qu’ont pu l’être Roland Barthes et Luis Prieto, chacun cependant à sa manière désireux d’évaluer l’héritage saussurien et de le faire fructifier, ont eu leur contact décisif avec la pensée de Saussure en lisant ce document. Le numéro 15 commémorait ainsi, des plus dignement, le 100e anniversaire de la naissance de Saussure.

Cinquante ans plus tard, nous pouvons constater que notre travail de valorisation de la linguistique saussurienne a été poursuivi avec constance. Notre politique éditoriale est restée fidèle au projet initial; la rubrique «Documents» a beaucoup compté, le contenu scientifique a continué à se caractériser par des articles visant à «faire connaître, sous toutes ses formes, la pensée de Ferdinand de Saussure et ses développements» (pour reprendre les termes de nos statuts au premier paragraphe de l’article 2, et comme le prônait déjà le programme de la Société Genevoise de Linguistique.)

Ainsi, la vocation de notre revue reste de nourrir un champ d’étude spécifique, en favorisant une réflexion de fond en linguistique saussurienne. C’est pourquoi, en ces années anniversaires du centenaire de notre discipline, nous sommes heureux de tenir à disposition une revue spécialisée, nous adressant particulièrement aux jeunes chercheurs dont les travaux sont tout indiqués pour prendre place dans nos colonnes. Nous pourrons ainsi donner une belle visibilité à la postérité la plus récente de cette continuation «sous toutes ses formes» de la linguistique générale.

Au nom du Comité

M.-C. C.-A.